Le Bon Samaritain

Dans le passage que nous venons de lire, un docteur de la Loi tente d’éprouver Jésus tout en le gratifiant de ‘’Maître’’. ‘’Maître’’ ? Pour obtenir ce titre, il fallait avoir étudié dans une école rabbinique, soit aux pieds de Hillel, soit aux pieds de Gamaliel. Donc, dès le départ, l’hypocrisie, la perversion est inscrite dans le dialogue.

La question semble pourtant simple : que faut-il faire pour hériter la vie éternelle ?

C’est un docteur de la Loi qui pose cette question ? Que fait Jésus ? Il le renvoie à la Loi et répond « Qu’est-il écrit dans la Loi ? Qu’y lis-tu ? »

Dans les Evangiles, Jésus répond souvent à une question par une question. Il ne donne pas de réponse toute faite, d’autant qu’il connaît parfaitement ses interlocuteurs. Toutefois, cela s’avère être différent lorsqu’il enseigne le peuple.

41 Quand l’étranger, qui n’est pas de ton peuple d’Israël, viendra d’un pays lointain, à cause de ton nom, 42 car on saura que ton nom est grand, ta main forte, et ton bras étendu, quand il viendra prier dans cette maison, – 43 exauce-le des cieux, du lieu de ta demeure, et accorde à cet étranger tout ce qu’il te demandera, afin que tous les peuples de la terre connaissent ton nom pour te craindre, comme ton peuple d’Israël, et sachent que ton nom est invoqué sur cette maison que j’ai bâtie !

25 Un docteur de la loi se leva, et dit à Jésus, pour l’éprouver : Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? 26 Jésus lui dit : Qu’est-il écrit dans la loi ? Qu’y lis-tu ? 27 Il répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force, et de toute ta pensée ; et ton prochain comme toi-même. 28 Tu as bien répondu, lui dit Jésus ; fais cela, et tu vivras. 29 Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : Et qui est mon prochain ? 30 Jésus reprit la parole, et dit : Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba au milieu des brigands, qui le dépouillèrent, le chargèrent de coups, et s’en allèrent, le laissant à demi mort. 31 Un sacrificateur, qui par hasard descendait par le même chemin, ayant vu cet homme, passa outre. 32 Un Lévite, qui arriva aussi dans ce lieu, l’ayant vu, passa outre. 33 Mais un Samaritain, qui voyageait, étant venu là, fut ému de compassion lorsqu’il le vit. 34 Il s’approcha, et banda ses plaies, en y versant de l’huile et du vin ; puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit à une hôtellerie, et prit soin de lui. 35 Le lendemain, il tira deux deniers, les donna à l’hôte, et dit : Aie soin de lui, et ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour. 36 Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ? 37 C’est celui qui a exercé la miséricorde envers lui, répondit le docteur de la loi. Et Jésus lui dit : Va, et toi, fais de même.

Puisque ce docteur de la Loi l’appelle ‘’Maître’’, Jésus va, en quelque sorte, jouer le jeu et se comporter comme tel. C’est pour cela qu’il lui pose ces deux questions.

Le docteur de la loi donne une réponse juste, équilibrée et pleine de sens : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force, et de toute ta pensée ; et ton prochain comme toi-même ». Il connait parfaitement la Loi et ne pouvait donc pas ne pas savoir. Sa réponse est tirée des livres du Deutéronome, chapitre 6, verset 5 et du Lévitique, chapitre 19, verset 18.

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Ici, une réponse est apportée pour tout un chacun, hériter la vie éternelle, c’est mettre en pratique la Loi. D’ailleurs, la Bible est souvent résumée par ce verset qui met en parallèle l’amour envers Dieu et l’amour envers le prochain.

C’est ce qui est écrit dans la première Epître de Jean, chapitre 4, versets 20 et 21 « 20 Si quelqu’un dit: J’aime Dieu, et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur; car celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas? 21 Et nous avons de lui ce commandement: que celui qui aime Dieu aime aussi son frère. »

Ici, « frère » et « prochain » se juxtaposent.

En répondant selon la Loi de Dieu, Jésus ne peut qu’acquiescer. Il dit au docteur de la Loi « Tu as bien répondu… fais cela et tu vivras. »

Le dialogue semble être clos. Mais n’oublions pas que le docteur de la Loi est venu pour éprouver Jésus. D’ailleurs, il est clair qu’en posant la question, il connaissait la réponse. Donc, sa fourberie et son hypocrisie sont visibles.

Ce qui est grave dans cette situation, c’est qu’il connait parfaitement la Loi et qu’il s’en sert, non pour honorer Dieu, mais pour éprouver Jésus. Ici, il montre qu’il n’a que faire de la mise en pratique de la Loi, il ne cherche qu’à commettre l’iniquité, et ce, avec la Parole juste et pure de Dieu. Cet homme a une connaissance intellectuelle de la Loi, mais il n’en comprend nullement la portée spirituelle, à se demander pourquoi il a la place de docteur de la Loi. Egrener la Loi, la réciter, sans en comprendre la portée spirituelle, ne peut plaire à Dieu.

Alors que Jésus permet à ce docteur de clore le débat, il veut se justifier. Après avoir voulu éprouver Jésus, le voilà qui veut se justifier et dit « et qui est mon prochain ? » Il est déstabilisé car il se croyait capable d’éprouver Jésus mais il ne veut pas lâcher prise.

Est-ce que Jésus le rejette ? Non ! Est-ce que Jésus l’humilie ? Non !

Il désire même éclairer cet homme. Et Jésus a le « secret » de ces explications. Il va livrer une parabole à la réflexion de cet homme ainsi que de ceux qui l’entourent.

Comme dans presque toutes les paraboles, les personnages sont anonymes. Dans celle-ci, il est question d’un homme, d’un prêtre, d’un lévite et d’un samaritain. Jésus focalise l’attention des auditeurs sur l’identité ethnique et religieuse des personnages.

  • « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba au milieu des brigands, qui le dépouillèrent, le chargèrent de coups, et s’en allèrent, le laissant à demi mort.»

Il est important de savoir que cette route représente une distance de 27 kilomètres, soit une journée de marche. De plus, cette route est accidentée et semée d’embuches. Elle traverse le désert de Judée et des brigands attendent patiemment leurs victimes. Jésus se sert d’un fait connu pour construire sa parabole.

  • « Un sacrificateur, qui par hasard descendait par le même chemin, ayant vu cet homme, passa outre. Un Lévite, qui arriva aussi dans ce lieu, l’ayant vu, passa outre. »

Il faut savoir que le prêtre, tout comme le lévite, sont tenus d’observer les règles strictes de pureté cultuelle pour éviter de se rendre impurs, ce qui les empêche de toucher le sang ou un mort.

  • « Mais un Samaritain, qui voyageait, étant venu là, fut ému de compassion lorsqu’il le vit. Il s’approcha, et banda ses plaies, en y versant de l’huile et du vin; puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit à une hôtellerie, et prit soin de lui. »

Pour tout juif, un samaritain n’est qu’un hérétique qui adore Dieu sur le Mont Garizim, et non au Temple.

Je ne sais si vous vous en rappelez, mais il avait été question, lors d’une prédication, de la femme samaritaine qui demandait à Jésus où Dieu devait être adoré, sur le Mont Garizim ou à Jérusalem ? Et Jésus avait répondu que « l’heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité; car ce sont là les adorateurs que le Père demande. » Pour information, sachez que les deux sanctuaires ont été détruits, celui du Mont Garizim en 129 av. JC et celui de Jérusalem en 70 ap. JC.

Pour Jésus, d’insérer un samaritain dans la parabole ne pouvait que faire réagir un Juif.

Le choix de Jésus n’est pas anodin. Il décrit un samaritain qui donne de son temps, de son argent sans compter, pour un homme qui lui est totalement inconnu. Seul, le samaritain montre de la compassion. Le secours vient d’un étranger, d’un hérétique. Le sacrificateur et le lévite se sont comportés en religieux mais n’ont montré aucune compassion. Ils ont laissé leur prochain sur le bord du chemin. La vie de cet homme est passée après leur pureté cultuelle. L’observance cultuelle est passée avant l’amour du prochain, et donc, comme le dit le Deutéronome et le Lévitique, avant l’amour de Dieu. Les propos de l’Apôtre Jean résonnent à nos oreilles d’une manière bien spécifique.

Le samaritain, l’hérétique, met en pratique la Loi de Dieu contrairement à ceux qui sont sensés la connaître et donc l’appliquer. Jésus utilise l’image du samaritain pour montrer aussi que le rejet des juifs envers les samaritains n’a pas de fondement. Pourtant, cette insulte sera utilisée à l’encontre de Jésus par les docteurs de la Loi qui diront « N’avons-nous pas raison de dire que tu es un Samaritain et que tu as un démon ? ». Jn8.48

Samaritain désignait donc aussi quelqu’un de possédé. C’est dire tout le bien que les juifs pensaient des samaritains, à tel point, que pour aller de la Galilée en Judée, ils faisaient un détour pour éviter la Samarie, afin de ne pas se souiller.

Il faut bien comprendre que l’image utilisée dans la parabole par Jésus est très forte car la compassion, la miséricorde se révèle sous les traits du samaritain, prend le visage du samaritain. Il faut donc bien se rappeler du contexte de l’époque lorsqu’on lit cette parabole.

Le samaritain est ému de compassion, c’est-à-dire que les souffrances infligées à un autre que lui-même lui font mal.il faut peut-être ici souligner la différence entre la compassion et l’empathie. La compassion, c’est partager la souffrance de l’autre, c’est « je souffre avec ». L’empathie, c’est comprendre la souffrance de l’autre.

Ici, le samaritain partage la souffrance de l’autre. Il est question d’un véritable amour. Comprendre la souffrance de l’autre sans la partager n’engage pas la personne de la même manière. Ici, le samaritain engage toute sa personne. Il ne lui demande pas sa condition sociale, s’il est juif, s’il a les moyens de le rembourser. Non, rien de tout cela. L’amour qui est en lui, lui dicte sa conduite. Il ne se pose pas de question, il constate, il agit, peu importe de qui il s’agit. Il engage sa personne, son temps et son argent.

  • « Le lendemain, il tira deux deniers, les donna à l’hôte, et dit: Aie soin de lui, et ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour. »

Sa compassion le pousse à s’assurer qu’il ne manque de rien. Il le confie à l’hôtellerie et dit à l’hôte qu’il réglera le supplément à son retour.

Et Jésus s’adresse au docteur de la Loi « Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands? »

Il semble difficile de se tromper de réponse. Le docteur de la Loi répond alors « C’est celui qui a exercé la miséricorde envers lui, répondit le docteur de la loi. »

Bien qu’il donne une bonne réponse, LA bonne réponse, son cœur est encore fermé. Il est incapable de dire « le samaritain ». C’est toujours insupportable pour lui. Néanmoins, Jésus le met face à sa responsabilité personnelle et face à la Loi.

Ce docteur de la Loi voulait éprouver Jésus. Au final, c’est lui qui est éprouvé, c’est lui qui vient de recevoir un enseignement de la part de celui qu’il appelle Maitre mais qu’il ne considère pas comme tel. La supériorité avec laquelle il s’est approché de Jésus pour l’éprouver est mise à mal.

La réponse finale de Jésus est brève. Elle est formulée à l’impératif « Va, et toi, fais de même. »

Jésus est clair, et dit au docteur de la Loi, tu veux avoir la vie éternelle ? Aime Dieu et ton prochain, pas seulement avec ta bouche, mais avec ton cœur, avec tout ton être. Jésus invite ce docteur de la Loi à imiter l’attitude de cœur du samaritain de la parabole.

Jésus n’a pas jugé ce docteur, il a cherché à toucher son cœur qui a encore des progrès à faire mais il sait désormais quel chemin il doit suivre. Jésus souligne la responsabilité de l’homme, de l’être humain, quant à son attitude, à ses actes. La Loi de Dieu ne permettait pas de rejeter qui que ce soit, bien au contraire, a Loi soulignait l’importance de l’hospitalité, de l’accueil de l’autre, du don de soi.

Cette parabole a été étudiée par bien des chrétiens et notamment par les Pères de l’Eglise.

Saint Grégoire de Nysse, qui a vécu au 4ème siècle, est l’un d’entre eux. Il voyait dans la personne du samaritain Jésus-Christ et dans la personne de l’homme blessé, l’humanité égarée par le péché.

Pour Saint Grégoire, l’homme qui descend de Jérusalem à Jéricho est l’homme qui s’éloigne de Dieu, de l’Eden, de la Cité sainte. Il tombe en embuscade, il pèche, il est terriblement blessé par le péché, comme mort. Paul écrira dans l’Epître aux Romains « Car le salaire du péché, c’est la mort ; mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle en Jésus-Christ. » Ro6.23 Le bon samaritain est le bon Maître, Jésus-Christ, qui a compassion de l’homme pécheur, qui le rejoint sur le chemin où il s’est perdu, où il est tombé, pour le relever, le guérir, le restaurer.

L’hôtellerie où il conduit cet homme, c’est l’Eglise qui doit être un lieu de compassion et de miséricorde afin de recevoir du repos.

Jésus a dit « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. » Mt11.28

Soulignons ici que l’hôtellerie est remplie par des pécheurs, pécheurs de par leur nature. Aussi, il est dit que le samaritain « tira deux deniers, les donna à l’hôte, et dit: Aie soin de lui, et ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour. » Le pécheur est conduit et accueilli dans l’hôtellerie de Dieu, afin d’être soigné, c’est-à-dire, afin qu’il se repente et qu’il vive, qu’il reçoive les soins nécessaires afin d’avoir la vie nouvelle.

Le repos de Dieu se trouve dans l’hôtellerie. C’est là, qu’après les soins payés par le Samaritain, c’est-à-dire Jésus, que la nouvelle nature reçoit la compassion et la miséricorde à son tour.

Dans l’hôtellerie, c’est-à-dire dans l’Eglise, avec un « grand E », Jésus continue à payer pour l’humanité, pour l’homme à terre, roué de coups.

Quel est le prix payé par Jésus ? C’est son sang précieux versé à la croix, une fois pour toute, qui se renouvelle sans cesse sur ceux qui lui appartiennent, sur ceux pour lesquels il a payé le prix. C’est la grâce constante et éternelle de Dieu qui revêt le chrétien, qui revêt l’homme blessé, dépouillé de sa dignité et appelé selon le dessein de Dieu à recevoir une nouvelle nature, un cœur nouveau.

Frères et sœurs, à l’écoute de cette parabole, nous ne pouvons être qu’interpellés. Sommes-nous à l’écoute du Bon Samaritain, c’est-à-dire à l’écoute de Jésus. Sommes-nous les imitateurs du Bon Samaritain, c’est-à-dire de notre Sauveur et Seigneur.

Il est facile de proclamer que Jésus-Christ est notre Sauveur. Pouvons-nous proclamer, avec force et vérité, qu’il est notre Seigneur, qu’il règne dans nos pensées, nos attitudes, nos paroles et nos actes ?

Ne sommes-nous pas, parfois, comme ce docteur de la Loi qui connait la Parole de Dieu mais ne la met pas en pratique ?

Si aujourd’hui chacun voulait poser la question à Jésus-Christ – que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? – la réponse de Jésus serait identique !

Il nous faut être comme le Bon Samaritain, mettre en pratique la Parole de Dieu, non par obligation, ou pour être vus des hommes, pour se forger une bonne réputation, comme le faisaient les Pharisiens, mais pour accomplir, avec amour, la volonté de Celui qui nous a tant aimés et qui a donné sa vie pour chacun d’entre nous. Le salut est individuel, il n’est pas global. Dieu a créé l’homme à son image et désire que le salut touche chaque homme, en particulier, personnellement.

Il nous faut donc conduire ceux qui sont blessés, éprouvés par la vie à l’hôtellerie et en prendre soin comme l’a fait le Bon Samaritain.

Jésus nous dit encore aujourd’hui « Va, et toi, fais de même. », « Alors ta lumière poindra comme l’aurore, Et ta guérison germera promptement ; Ta justice marchera devant toi, Et la gloire de l’Eternel t’accompagnera. » Es58.8

Que nos vies soient pour la gloire de Dieu. Que nos vies reflètent la gloire de Dieu.

A Dieu soit toute la gloire d’éternité en éternité.

Amen !

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GÉRARD SALLET
GÉRARD SALLET
15 septembre 2021 7h50

Merci pour ce travail merveilleux qui est un outil très apprécié lorsque que nous avons à intervenir en l’absence du Pasteur… les textes sont vraiment agréables, et simples ce qui permet une lecture aisé et une véritable écoute. Je suis bien content d’être abonné à votre site. Que Dieu vous bénisse