La tentation de Jésus

Chers frères et sœurs, aujourd’hui est le premier dimanche de Carême.

Avant de développer les différentes formes prises par le Carême. Il est bon, en premier lieu, de le définir.

Le premier concile de Nicée, en 325, préconise un jeûne de 40 jours. Le Carême a été instauré au 4ème siècle et n’est donc pas apostolique.

Il avait pour objectif de pratiquer la vertu de pénitence, d’une part, et d’imiter le jeûne de 40 jours de Jésus dans le désert, d’autre part. Dans la réalité, le dimanche étant un jour de fête, le temps de Carême dure 45 jours. Ce temps prépare à la commémoration de la passion du Christ et à sa résurrection.

1 Alors Jésus fut emmené par l’Esprit dans le désert, pour être tenté par le diable. 2 Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. 3 Le tentateur, s’étant approché, lui dit : Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. 4 Jésus répondit : Il est écrit : L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. 

5 Le diable le transporta dans la ville sainte, le plaça sur le haut du temple, 6 et lui dit : Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera des ordres à ses anges à ton sujet ; Et ils te porteront sur les mains, De peur que ton pied ne heurte contre une pierre. 7 Jésus lui dit : Il est aussi écrit : Tu ne tenteras point le Seigneur, ton Dieu. 

8 Le diable le transporta encore sur une montagne très élevée, lui montra tous les royaumes du monde et leur gloire, 9 et lui dit : Je te donnerai toutes ces choses, si tu te prosternes et m’adores. 10 Jésus lui dit : Retire-toi, Satan ! Car il est écrit : Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul. 11 Alors le diable le laissa. Et voici, des anges vinrent auprès de Jésus, et le servaient.

Ce double objectif se retrouve dans le Carême catholique où l’on retrouve le carême de pénitence et le carême liturgique, temps de préparation à Pâques.

Cette année, le carême a débuté le 02 mars, c’est-à-dire le mercredi des Cendres, « dies cinerum » en latin, c’est un jour de pénitence qui marque le début du Carême, jour de prière, d’aumône et de jeûne.

Le Lundi pur est le premier jour du Grand Carême dans les Églises d’Orient (Églises orthodoxes et catholiques de rite byzantin). Il a lieu 40 jours avant la veille du dimanche des Rameaux. Dans les faits, le Carême débute deux jours avant le mercredi des Cendres et dure 49 jours avant la fête de Pâques.

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Qu’il s’agisse des catholiques ou des orthodoxes, ce jeûne ne consiste en aucun cas à ne pas s’alimenter mais à se priver de certains aliments.

Et les protestants ?  Les Réformateurs ne se sont pas prononcés à son sujet pour des raisons historiques et théologiques. Le Carême était trop associé à un contexte de bonnes œuvres, à l’idée de pénitence, de « gagner son ciel » en jeûnant, à un esprit de repentance contradictoire avec l’idée de la Grâce seule « Sola gracia ». Sauvés par grâce, une grâce offerte inconditionnellement à toutes et tous, les protestants n’expriment pas le besoin de poser des actes pour se rapprocher de Dieu. Cette attitude est inspirée de Luther qui, rejette l’idée de l’achat du salut par les œuvres et donc des indulgences. Pour Luther, ce sont les fondements de la Réforme.

Au fil du temps, le Carême a pris une place chez les protestants mais avec une vision différente. En effet, le Carême peut, dans notre vie chrétienne, correspondre à un temps de réflexion. Une période pendant laquelle on peut se demander, ou se redemander, ce que signifie être disciple du Christ dans notre quotidien. Autrement dit, ce temps devient l’occasion de prendre du recul, de faire un bilan des orientations que l’on donne à sa vie. En mesurant l’écart entre la réalité et ce que Dieu pourrait attendre de nous.

Mais le jeûne et la prière sont des moments privilégiés pour être en communion avec Dieu. Toutefois, chacun doit se sentir libre de prier et jeûner lorsque cela lui semble être le moment de le faire. Il n’y a pas de temps figé, comme le Carême, pour prier et jeûner et cela peut aussi se faire en Eglise.

Cependant, que l’on soit catholique, orthodoxe ou protestant, les textes bibliques proposés lors du premier dimanche de Carême sont toujours les mêmes, à savoir, « les tentations du Christ ».

Aussi, il est proposé ce matin de méditer ensemble sur le texte des tentations de Jésus dans l’Evangile selon Matthieu qui a été lu précédemment.

Que dit ce texte ? Juste après son baptême, Jésus est confronté à trois tentations aux dimensions bien particulières sur divers plans.

Pourquoi le désert, le sommet du temple et la montagne. Que signifient ces trois lieux ?

Jésus est face à celui qu’on appelle Satan, le diable, le tentateur, le malin, le serpent ancien.

C’est celui qui tue et qui ment depuis le début de la Création.

C’est celui qui, de par son orgueil, a voulu prendre la place de Dieu, a voulu être Dieu .

Que signifient les trois tentations de Jésus ? Pourquoi les Evangiles synoptiques reprennent cet événement.

Ce récit est familier aux chrétiens, tellement familier qu’il en devient trop souvent banal et son contenu si peu compris.

Les premiers chrétiens saisissaient et comprenaient la profondeur de ce passage et les allusions qui faisaient écho aux Ecrits de l’Ancien Testament.

Jésus est emmené par l’Esprit dans le désert.

Les hommes qui connaissent les Ecritures savent que le désert est aussi bien l’habitat des forces du mal que le lieu où l’on se retire pour prier.

Ici, Jésus demeure quarante jours au désert. Cela fait référence à la sortie d’Egypte, Ex12, à la traversée de la mer rouge et aux 40 ans que le peuple de Dieu a passé au désert avant son entrée en Terre promise.

Il faut se souvenir qu’avant la délivrance du peuple hébreu, Dieu a institué la Pâque. C’est une fête juive qui se fête encore tous les ans et qui s’appelle « Pessa’h ». Jésus l’a fêtée avant d’être arrêté et livré.

Mais ces 40 jours font aussi référence à Elie le prophète qui a jeûné 40 jours au désert à Horeb et où il a rencontré Dieu à l’entrée de la grotte dans un murmure doux et léger 1Ro19,9-14

Ce sont ces 40 ans de traversée du désert, ces 40 jours de jeûne d’Elie et ces 40 jours de jeûne de Jésus qui amèneront les responsables chrétiens à mettre en place ce temps de jeûne que l’on nomme carême.

Mais c’est le jeûne de Jésus, qui a été préfiguré par les autres, qui doit retenir l’attention.

Au désert, contrairement à Elie, Jésus n’est pas troublé. Il est dans la présence de son Père. Et contrairement à Elie, les corbeaux et les anges ne viennent pas le nourrir. Mais Jésus est aussi un homme et après 40 jours, il est écrit que Jésus eut faim.

Il est écrit qu’il est transporté au désert pour être tenté par le diable et il est dans un état de faiblesse après 40 jours de privation.

C’est à ce moment-là que Satan choisit de venir le tenter.

Mais en quoi a consisté la tentation de Jésus ?

Le Père a assigné une mission bien précise à Jésus. C’est d’ailleurs Jean qui en parle le mieux en employant le mot « envoyé» à de multiples reprises dans l’Evangile qui porte son nom.

Jésus est envoyé par Dieu pour sauver le monde.

Jésus est le « mystérieux » serviteur décrit en Esaïe, celui qui libère par sa mort et sa résurrection. C’est la mission de Jésus que d’accomplir la volonté de son Père annoncée en Esaïe et Satan veut à toute fin l’en empêcher. Comment s’y prend-il ?

Satan va essayer par trois fois de le détourner de sa mission en lui proposant trois différents chemins vers le pouvoir, vers un messianisme temporel.

  • La première tentative est dans cette parole :

 « Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains ! » 

Ici, c’est le messianisme de l’abondance.

C’est le succès assuré par des distributions. Jésus comblerait des désirs immédiats, mais le pain cesserait d’être le fruit du travail des hommes. Il est vrai que la faim le tenaillait mais son esprit était tourné intégralement vers l’Esprit de Dieu et vers sa Parole de Vérité. Une fois de plus, comme avec Adam, Satan veut faire croire à Jésus qu’il peut vivre en autonomie face à Dieu. C’est dans la plus totale solitude que Jésus est confronté à Satan. Mais la solitude du désert ne signifie pas solitude hors de Dieu mais avec Dieu.

  • C’est par la Parole que Jésus répond car il vit de « toute Parole qui sort de la bouche de Dieu » c’est là sa nourriture.

Cela fait écho aux propos qu’il a tenus aux disciples lors de la rencontre avec la samaritaine « J’ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas. » Jn4.32

  • La deuxième tentative est dans cette parole :

« Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas car il est écrit : il donnera des ordres à ses anges à ton sujet ; et ils te porteront sur les mains de peur que ton pied ne heurte contre une pierre ». 

Ici, Satan cite le Ps 91 v12.

Ici, c’est le messianisme du prestige.

 Il est demandé à Jésus de se jeter du haut du temple pour mettre l’Eternel à l’épreuve.

Cette tentation a lieu au sommet du temple, au sommet du pouvoir religieux. C’est le pouvoir que Satan propose de mettre entre ses mains. Ici, il s’agit du pouvoir religieux qui est très important dans l’Israël de l’époque.

  • C’est par la Parole que Jésus répond « Tu ne tenteras point le Seigneur, ton Dieu. »

Jésus demeure fidèle à Celui qui l’a envoyé. Il ne cherche aucun pouvoir temporel mais toujours la volonté de son Père.

  • La troisième et dernière tentative est dans cette parole :

« Tous les royaumes, je te les donne, si tu te prosternes et m’adores ! » 

Ici, c’est le messianisme politique.

Après la proposition du pouvoir, Satan propose la domination sur tous les royaumes de la terre.

En même temps, Satan propose à Jésus de se soumettre à lui !

C’est l’adoration de toute la terre devant le faux trône de Satan qui est proposé ici par Satan à Jésus.

Il semble offrir mais en réalité il veut tout prendre et tout contrôler.

Jésus se soumettrait à un tyran alors qu’il vient au Nom d’un Dieu d’amour, de miséricorde, de compassion et de pardon.

  • C’est par la Parole que Jésus répond « Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul. »

Cette troisième tentation qui a lieu sur la montagne n’est pas sans rappeler la transfiguration Mt17.3 qui adresse un tout autre message au monde. C’est la loi et les prophètes réunis auprès de Jésus, ce sont ceux qui ont annoncé sa venue et c’est Jésus qui va tout accomplir.

Au cours des trois tentations, Satan propose à Jésus un pouvoir conditionnel. « si tu es le Fils de Dieu » par deux fois et « si tu te prosternes » la troisième fois.

Ici, la puissance de la Parole de Dieu apparaît. Jésus ne répond à Satan que par la Parole, il n’y a pas de discussion, de concertation, de proposition, de contre-proposition. Jésus ne cherche pas à convaincre cet interlocuteur pour le moins prétentieux qui croit tout détenir.

Le pouvoir est à l’Eternel et à lui seul. Et Jésus le lui rappelle à chacune des tentations.

Jésus a souffert lors de sa venue au milieu des hommes « Méprisé et abandonné des hommes, homme de douleur et habitué à la souffrance… » Es53.3 Jésus n’aimait pas la souffrance, ni pour les autres ni pour lui-même. Il a souffert d’être contesté, d’être calomnié, lui, le Messie, lui, l’Envoyé de Dieu ; il a souffert de trouver si peu de foi et de confiance chez les hommes et les femmes qui l’approchaient, il a même pleuré en approchant de Jérusalem monté sur un ânon.

Les trois réponses que Jésus donne à Satan doivent nous interpeller. De même, nous devons imiter Christ et répondre par la Parole à toute tentation. Nul ne peut être chrétien sans la Parole qui libère, qui nourrit, qui fait grandir, qui donne l’assurance éternelle.

Souvent, il nous semble bon de dire à Dieu ce qui devrait être. Nous avons des exemples dans ce monde entre virus et guerre. Dieu sait ce qu’il fait. Dieu sait ce qu’il permet. Le pouvoir est à l’Eternel et à lui seul.

La victoire est à l’Eternel et nous devons le louer et l’adorer en tout temps pour qui il est.

Notre vie n’est pas de parler d’un Messie temporel, d’un Messie d’abondance terrestre, d’un Messie prestigieux aux yeux du monde, d’un Messie qui aurait un rôle politique ou géopolitique, non, nous avons à être des témoins de l’amour de Dieu, du pardon de Dieu.

Nous devons être des « petits Christ », c’est-à-dire ressembler chaque jour un peu plus à Jésus mais pas par nos propres forces car cela est impossible, mais par une relation avec le Dieu vivant, le Dieu de Jésus-Christ qui s’est révélé sur la terre et nous a réconciliés avec lui.

Comme le dit le cantique « te ressembler Jésus, c’est mon espoir suprême, penser, agir, aimer, toujours plus comme toi ». Notre volonté sera alors soumise à Celui qui peut tout et notre petit moi égoïste et orgueilleux sera anéanti jour après jour.

Laissons Dieu nous conduire au désert pour nous parler, pour l’écouter, pour apprendre à lui obéir en tout temps.

Nous sommes son peuple, le troupeau de son pâturage que sa main conduit.

Alors, et le Carême ?

Sachons faire Carême en tout temps afin de chercher la face de Dieu et d’accomplir sa volonté, ne comptons pas sur nos propres forces, cela ne serait que déception et amertume.

Cherchons à comprendre les tentations de notre Seigneur et Sauveur afin de mettre en pratique son enseignement, sa Parole.

La victoire appartient à notre Dieu. Ne cessons pas de nous le rappeler. Notre combat est celui de Dieu et non celui des hommes.

« Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes. » Eph6.12 et nous devons proclamer la Parole de Dieu à la face du monde.

Soyons d’authentiques chrétiens pétris de l’amour de Dieu manifesté en Christ-Jésus et proclamons la liberté qui est en Christ et non dans les choses du monde.

Ne soyons ni sourds ni aveugles à la Parole de Dieu, aux bienfaits que Dieu accomplit pour ceux qu’il aime.

A Dieu soit toute la gloire,

Amen.

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