
Rejoindre le Ressuscité en Galilée
Pâques est la fête chrétienne la plus importante, la fête de la vie, du renouveau, de la joie, de la victoire. Elle ouvre une perspective autre sur la vie et la mort.
Dans la Rome ancienne, des pierres tombales ont été découvertes portant des inscriptions, des épitaphes, sans espérance « Adieu, c’est la fin de notre amour », « Nous ne nous reverrons jamais », « Notre amitié se termine avec la mort » … d’autres tombes dévoilent des inscriptions qui montrent l’espérance. Ce sont des tombes chrétiennes sur lesquelles il est inscrit « Nous nous reverrons bientôt », « Tu es vivante dans le Seigneur », « Tu t’en vas vers notre Dieu », « La paix soit avec toi ». La plus connue est « Je suis la résurrection et la vie, celui qui croit en moi vivra quand même il sera mort. » Jn 11 :25.
1 Corinthiens 15 :1-11
1 Je vous rappelle, frères, l’Evangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu, dans lequel vous avez persévéré, 2 et par lequel vous êtes sauvés, si vous le retenez tel que je vous l’ai annoncé ; autrement, vous auriez cru en vain.
3 Je vous ai enseigné avant tout, comme je l’avais aussi reçu, que Christ est mort pour nos péchés, selon les Ecritures ; 4 qu’il a été enseveli, et qu’il est ressuscité le troisième jour, selon les Ecritures ; 5 et qu’il est apparu à Céphas, puis aux douze. 6 Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois, dont la plupart sont encore vivants, et dont quelques-uns sont morts. 7 Ensuite, il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres. 8 Après eux tous, il m’est aussi apparu à moi, comme à l’avorton ; 9 car je suis le moindre des apôtres, je ne suis pas digne d’être appelé apôtre, parce que j’ai persécuté l’Eglise de Dieu. 10 Par la grâce de Dieu je suis ce que je suis, et sa grâce envers moi n’a pas été vaine ; loin de là, j’ai travaillé plus qu’eux tous, non pas moi toutefois, mais la grâce de Dieu qui est avec moi. 11 Ainsi donc, que ce soit moi, que ce soient eux, voilà ce que nous prêchons, et c’est ce que vous avez cru.
Marc 16 : 1-8
1 Lorsque le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé, achetèrent des aromates, afin d’aller embaumer Jésus.
2 Le premier jour de la semaine, elles se rendirent au sépulcre, de grand matin, comme le soleil venait de se lever.
3 Elles disaient entre elles : Qui nous roulera la pierre loin de l’entrée du sépulcre ?
4 Et, levant les yeux, elles aperçurent que la pierre, qui était très grande, avait été roulée.
5 Elles entrèrent dans le sépulcre, virent un jeune homme assis à droite vêtu d’une robe blanche, et elles furent épouvantées.
6 Il leur dit : Ne vous épouvantez pas ; vous cherchez Jésus de Nazareth, qui a été crucifié ; il est ressuscité, il n’est point ici ; voici le lieu où on l’avait mis.
7 Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu’il vous précède en Galilée : c’est là que vous le verrez, comme il vous l’a dit.
8 Elles sortirent du sépulcre et s’enfuirent. La peur et le trouble les avaient saisies ; et elles ne dirent rien à personne, à cause de leur effroi.
Au travers de ces inscriptions, deux visions de la vie apparaissent. Il y a ceux qui croient que la mort marque une fin de tout et il y a ceux qui croient que la mort est un passage vers une vie différente.
Plusieurs religions croient que la mort n’est pas la fin de tout, mais l’espérance du chrétien est tout autre car il croit, qu’après la mort, il sera avec son Sauveur et son Seigneur pour l’éternité.
Cette espérance est vivante au profond de lui et il sait que, déjà, sa vie sur terre doit être conforme à la vie de ce Royaume qu’il espère et qui n’est pas encore présent, pas encore visible. Le sens de la vie du chrétien est donc différent de non chrétien.
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De plus, de par cette vision, de par cette foi, le chrétien croit à la résurrection, il place sa confiance en la Parole de Dieu.
Une petite remarque historique est à souligner et qui n’est pas dénuée d’humour lorsqu’on sait ce que représente un cimetière pour le commun des mortels. En effet, le mot « cimetière » vient du grec « koimiterion ». Ce vocable était utilisé par les chrétiens car ils conduisaient leurs défunts au « koimiterion », c’est-à-dire « hôtel pour visiteurs étrangers », « auberge de passage ».
Le tombeau de Jésus a été un « koimiterion » de courte durée. L’être vêtu de blanc s’adresse aux deux « Marie » présentes et leur dit « le Seigneur est ressuscité, il n’est plus ici ». La liturgie de Pâques proclame les paroles de cet homme vêtu de blanc, le Seigneur est ressuscité !
La résurrection de Jésus est la réponse de Dieu le Père à la violence, à l’injustice, à la croix. Ceux qui ont condamné Jésus croyaient le faire taire à jamais mais Dieu le Père a ressuscité son Fils unique qu’il avait envoyé pour payer la rançon de ceux qui croiront en Lui.
Le texte de Marc qui a été lu n’indique aucune joie de la résurrection mais plutôt la stupeur. En effet, il écrit « Elles sortirent du sépulcre et s’enfuirent. La peur et le trouble les avaient saisies ; et elles ne dirent rien à personne, à cause de leur effroi. » Mc16.8 Ce passage ne montre pas non plus le Ressuscité, c’est le grand absent. Le texte dit simplement « Il vous précède en Galilée, c’est là que vous le verrez dit le jeune homme. »
Donc, la peur, l’effroi et l’absence de Jésus !
Et l’’Evangile de Marc prend fin avec ce verset. Les 8 versets suivants ont été rajoutés postérieurement à la rédaction de Marc car cela semblait impossible de finir ainsi. Alors un petit condensé de 8 versets a servi de final à cet Evangile qui semblait ne pas être terminé.
Quelle étrange fin pour un Evangile ! Quel message Marc a-t-il voulu faire passer ? Qu’a-t-il voulu raconter ?
Il faut dès lors reprendre le texte tel que Marc l’a voulu, un texte sans joie, sans la présence du Ressuscité. Alors ?
Marc n’est pas très enclin à parler de miracles. En effet, lorsque Jésus accomplit un miracle il ordonne le silence aux bénéficiaires qui s’empressent pourtant d’aller le raconter partout.
Alors le miracle de la résurrection, c’est hors de question.
Pour Marc, un risque existe pour les croyants qui liront un Evangile rempli de miracles. Pour lui, croire ne signifie pas voir. En évitant les miracles jusqu’à celui de la résurrection, Marc fait un choix théologique.
Pourtant, en y regardant de plus près LA bonne nouvelle est présente, Marc écrit « Il est ressuscité, il n’est pas ici »
Marc écrit en temps de crise, après la destruction du temple de Jérusalem qui a eu lieu en l’an 70, mais pour Marc cela ne représente pas le plus important. Non la destruction du Temple, la situation de Jérusalem, tout cela est second par rapport à Pâques, par rapport à la mort et à la résurrection, par rapport à l’œuvre accomplie par le Christ à la croix qui fait passer tout homme qui croit de la mort à la vie.
Il faut reprendre le récit. Deux femmes marchent vers le tombeau dans lequel le corps de Jésus a été déposé. Deux femmes, c’est-à-dire dans le 1er siècle, deux personnes en situation d’infériorité sociale permanente, confinées au rôle domestique et subalterne. Aujourd’hui encore, des restes de cette pensée du 1er siècle subsistent dans les mentalités.
Donc, ces deux femmes apportent les aromates pour embaumer le corps de Jésus qui n’a pu l’être à cause de la Pâque juive et du shabbat.
En effet, à sa mort, Jésus a été déposé rapidement dans un tombeau et la pierre a été roulée. Aussi, elles se demandent « qui roulera pour nous la pierre ? »
Voilà deux femmes qui se mettent en route mais n’ont pas l’assurance de pouvoir accéder au tombeau, elles ne savent si elles vont pouvoir embaumer le corps de Jésus. N’auraient-elles pas pu y penser avant ?
Pourtant, elles sont déterminées à accomplir ce rite malgré la possibilité que ce soit un échec.
Au fond d’elles-mêmes, elles ont l’espoir que quelqu’un sera présent pour les aider. Tout à leurs pensées, elles arrivent au tombeau, et là, ce n’est plus une espérance qui les porte, mais c’est un cataclysme intérieur qu’elles vivent. Elles lèvent les yeux et la pierre est déjà roulée. Mais ce n’est pas tout ! Le verbe grec pour lever les yeux est « anabléphas », cela signifie voir de nouveau, recouvrer la vue. C’est ce verbe qui apparaît pour les aveugles qui recouvrent la vue dans les Evangiles
Ce que ces deux femmes voient alors, ce n’est pas ce qu’elles pensaient, ce n’est pas ce qu’elles espéraient, ce n’est pas ce qui altère la vision intérieure des hommes, et ce, quel que soit le siècle !
Elles avaient vu la pierre qui fermait le tombeau et croyaient être confrontées à ce qu’elles avaient vu trois jours auparavant. La réalité qui leur est offerte est tout autre.
Elles voient un homme vêtu de blanc assis à la place du corps de Jésus qui leur annonce que Jésus est ressuscité.
Tous leurs paramètres sont faussés et s’écroulent. Et comme il leur est impossible de gérer ce qui leur arrive, ce qui est là, sous leurs yeux, c’est la stupeur et l’effroi qui répondent à ces changements de paramètres, à ce changement de réalité, de vérité.
Comment concevoir qu’un être vêtu de blanc soit à la place de Jésus ? Comment concevoir, bien que Jésus l’ait annoncé, qu’il est vivant ?
La mort a été vaincue, la finalité de la vie est devenue autre.
Alors, oui, il est concevable que ces deux femmes, considérées comme « inférieure » par leur savoir, leur intelligence, leur vision de la vie, aient pris peur, car cette bonne nouvelle renverse les réalités établies comme vraies, renverse les certitudes qui ont traversé les siècles et cela est vrai qu’il s’agisse d’une femme ou d’un homme.
La mort n’a plus le dernier mot, la vie remporte la victoire. « Ô mort, où est ton aiguillon » dira Paul.
Cette nouveauté de vie, Jésus l’avait annoncée mais il leur fallait d’abord, comme il a été dit précédemment, recouvrer la vue, voir de nouveau pour y accéder.
Devant cette nouvelle vérité, les femmes sont épouvantées.
Pâques ? C’est la crise des repères !
Pâques ? C’est la vie pour tous !
Paul dira « il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme car vous êtes tous un en Jésus-Christ. » Ga3.28
Pâques est une crise majeure, irremplaçable, unique, étonnante, dans la vie des hommes car là où la vie était censée prendre fin, elle continue, voire même, elle devient plus belle, plus radieuse. Elle se projette dans le Royaume de Dieu où tout est lumière, amour et justice.
Pâques, c’est la nouveauté de vie.
Alors, comme le dit cet homme vêtu de blanc « n’ayez pas peur » car ce n’est pas le chaos qui s’affiche mais la vie nouvelle.
Pâques, c’est le commencement d’une nouvelle relation avec Dieu, telle que Jésus l’avait annoncée, car « l’heure vient, et elle est déjà là où les adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. » Jn4.23
Pâques c’est la résurrection du Christ qui nous appelle à regarder ailleurs, différemment. Mais comment ?
L’homme vêtu de blanc et assis à la place du corps de Jésus dit aux deux femmes « Il vous précède en Galilée. »
Pourquoi Marc écrit que Jésus précède ses disciples en Galilée ?
Quel message veut-il faire passer ?
Le ministère de Jésus a commencé en Galilée. Maintenant que Christ est vivant et qu’il envoie ses disciples, il les conduit vers le commencement. Cela fait écho aux paroles de l’Evangile selon Jean qui écrit « Jésus leur dit de nouveau : La paix soit avec vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » Jn20.21
La Galilée n’est pas à prendre au sens géographique.
Marc finit son Evangile, comme il l’a commencé, en Galilée.
Marc veut signifier à son lecteur que la Galilée est le début et la suite.
Que signifie pour nous aujourd’hui se rendre en Galilée ?
Il nous faut lire l’Evangile à partir de la lumière qui se lève le jour de Pâques, à partir de ce renouvellement de l’être que représente Pâques.
Aller en Galilée, aussi bien pour les premiers disciples que pour ceux d’aujourd’hui c’est vivre de et dans la lumière du ressuscité, c’est accomplir le parcours qu’il a accompli avec sa puissance, par la foi.
Tel est le chemin que Marc ouvre à ses lecteurs, aux disciples.
Rejoindre Jésus en Galilée, c’est vivre de la vie du ressuscité.
Vivre de la vie du Ressuscité permet à tout chrétien de passer par les épreuves de la vie avec une espérance inconnue des autres.
Vivre de la vie du Ressuscité, c’est savoir que la mort a perdu sa puissance, que la victoire est à notre Dieu.
Si tous les chrétiens sont unis à Jésus, ils font face au malheur, à la violence, à la mort, en gardant la paix que seul Dieu peut donner.
Ainsi ce ne sont ni la peur ni le silence qui terminent l’Evangile de Marc. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il n’est pas terminé, qu’il n’est jamais terminé.
L’évangile de Marc est un évangile ouvert, que chaque disciple poursuit par son existence propre. Cet Evangile témoigne des actes et des paroles de Jésus qui est Ressuscité et que Marc fait apparaître.
C’est Jésus, puis le disciple, qui s’approche des plus démunis et des plus fragiles.
C’est Jésus, puis le disciple, qui révèle et prend soin de l’humanité de chacun.
C’est Jésus, puis le disciple, qui libère et nourrit, qui enseigne et questionne.
Le disciple est celui en qui le règne de Dieu s’est approché et a pris vie.
Frères et sœurs, chaque disciple continue en quelque sorte d’écrire l’Evangile selon Marc, et ce, en vivant de la vie du Ressuscité.
Tout disciple du Christ se laisse conduire par son Esprit.
Il est possible que nous soyons fatigués par les épreuves, par les crises qui se succèdent.
Il est possible que nous soyons confrontés à la maladie ou endeuillés par le décès d’un proche. Il est possible que nous soyons inquiets par la précarité, le chômage, les bruits de guerre, les guerres, la vieillesses…
Beaucoup ont l’impression de se diriger vers un mur à grande vitesse.
Rappelez-vous ces deux femmes qui se dirigeaient vers une pierre trop lourde pour elles. Elles avaient une espérance, elles croyaient que quelqu’un les aiderait. C’est Dieu qui a roulé la pierre.
Faisons confiance à Dieu qui n’abandonne aucun de ses enfants.
Toutes ces choses qui nous inquiètent et qui pourraient nous remplir d’effroi sont inhérentes à la vie sur terre.
Mais rappelons-nous qu’aucun modèle social, politique ou religieux ne peut poser un point final à l’histoire. L’Histoire, avec un grand H, est entre les mains de Dieu. C’est lui qui la conduit et qui permet que certaines choses aient lieu.
Quant à nous, nous sommes éclairés par la lumière de Pâques, et les ténèbres ne peuvent en aucun cas engloutir la lumière.
Levons les yeux comme ces deux femmes devant la pierre roulée et contemplons la gloire de Dieu agissante en tout temps.
Puissions-nous dire avec l’Apôtre Paul « j’ai appris à être content de l’état où je me trouve. Je sais vivre dans l’humiliation, et je sais vivre dans l’abondance. En tout et partout j’ai appris à être rassasié et à avoir faim, à être dans l’abondance et à être dans la disette. » Phi4.11-12
Quel que soit l’état dans lequel nous sommes, nous pouvons aller et marcher en Galilée, être des témoins de la vie de résurrection de Jésus-Christ.
Marc a voulu nous dire que nous pouvons croire sans voir, que nous pouvons espérer contre toute attente, que nous pouvons vivre par Jésus-Christ et en Jésus-Christ.
Christ nous envoie dans notre Galilée pour proclamer le salut et la vie éternelle.
Tout comme Jésus a débuté son ministère en Galilée, il a donné rendez-vous à ses disciples en Galilée afin de les envoyer comme lui-même a été envoyé. C’est ce que rappelle Jean « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » Jn20.21
Aujourd’hui, Christ nous envoie proclamer sa vie de résurrection à tous les hommes.
Proclamons d’une seule voix, d’un seul cœur et que cela résonne sur nos chemins de Galilée « Christ est ressuscité, Il est réellement ressuscité. » Amen.