
Va et ne pèche plus
Le passage qui a été lu, est un passage qui a été l’objet de grands débats théologiques.
La Bible d’étude Semeur mentionne que ce passage est absent des plus anciens manuscrits. D’autres manuscrits le situent à la fin de l’Evangile de Jean, voire de Luc. Le passage de la femme adultère inséré au chapitre 8 appartiendrait donc à la tradition évangélique.
Cependant, nos Bibles et le texte grec le font figurer à cet endroit. De plus, comme ce passage ne figure dans aucun des synoptiques, cela le rend d’autant plus difficile à situer.
Mais qu’importe, comme le dit l’Apôtre Paul à Timothée « Toute Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice afin que l’homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne œuvre » (2 Tim 3 :16)
Ce passage de l’Ecriture étant inspiré de Dieu et utile pour enseigner, il est dès lors utile de le méditer dans le contexte immédiat et général de l’Alliance de Dieu envers son peuple.
37 Le dernier jour, le grand jour de la fête, Jésus, se tenant debout, s’écria: Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive. 38 Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein, comme dit l’Ecriture. 39 Il dit cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui; car l’Esprit n’était pas encore, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié.
40 Des gens de la foule, ayant entendu ces paroles, disaient: Celui-ci est vraiment le prophète. 41 D’autres disaient: C’est le Christ. Et d’autres disaient: Est-ce bien de la Galilée que doit venir le Christ? 42 L’Ecriture ne dit-elle pas que c’est de la postérité de David, et du village de Bethléhem, où était David, que le Christ doit venir? 43 Il y eut donc, à cause de lui, division parmi la foule. 44 Quelques-uns d’entre eux voulaient le saisir, mais personne ne mit la main sur lui.
45 Ainsi les huissiers retournèrent vers les principaux sacrificateurs et les pharisiens. Et ceux-ci leur dirent: Pourquoi ne l’avez-vous pas amené? 46 Les huissiers répondirent: Jamais homme n’a parlé comme cet homme. 47 Les pharisiens leur répliquèrent: Est-ce que vous aussi, vous avez été séduits? 48 Y a-t-il quelqu’un des chefs ou des pharisiens qui ait cru en lui? 49 Mais cette foule qui ne connaît pas la loi, ce sont des maudits! 50 Nicodème, qui était venu de nuit vers Jésus, et qui était l’un d’entre eux, leur dit: 51 Notre loi condamne-t-elle un homme avant qu’on l’entende et qu’on sache ce qu’il a fait? 52 Ils lui répondirent: Es-tu aussi Galiléen? Examine, et tu verras que de la Galilée il ne sort point de prophète.
53 [Et chacun s’en retourna dans sa maison.
Jean 8
1 Jésus se rendit à la montagne des Oliviers. 2 Mais, dès le matin, il alla de nouveau dans le temple, et tout le peuple vint à lui. S’étant assis, il les enseignait.
3 Alors les scribes et les pharisiens amenèrent une femme surprise en adultère; 4 et, la plaçant au milieu du peuple, ils dirent à Jésus: Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. 5 Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes: toi donc, que dis-tu? 6 Ils disaient cela pour l’éprouver, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus, s’étant baissé, écrivait avec le doigt sur la terre. 7 Comme ils continuaient à l’interroger, il se releva et leur dit: Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle. 8 Et s’étant de nouveau baissé, il écrivait sur la terre. 9 Quand ils entendirent cela, accusés par leur conscience, ils se retirèrent un à un, depuis les plus âgés jusqu’aux derniers; et Jésus resta seul avec la femme qui était là au milieu. 10 Alors s’étant relevé, et ne voyant plus que la femme, Jésus lui dit: Femme, où sont ceux qui t’accusaient? Personne ne t’a-t-il condamnée? 11 Elle répondit: Non, Seigneur. Et Jésus lui dit: Je ne te condamne pas non plus; va, et ne pèche plus.]
12 Jésus leur parla de nouveau, et dit: Je suis la lumière du monde; celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie.
Le contexte immédiat et général de l’alliance
L’histoire se déroule pendant la fête des cabanes, c’est-à-dire, en hébreu la fête de Souccot. Cette fête dure 7 jours. Elle est aussi appelée, fête de la récolte (Ex 23,16-17). Du temps de Jésus, elle attirait de nombreux pèlerins à Jérusalem. Souccot était l’une des trois fêtes célébrées par un pèlerinage au Temple de Jérusalem.
Cette fête, l’une des plus importantes du judaïsme, commémore aussi la sortie d’Égypte. Elle commémore les quarante années au cours desquelles les Hébreux ont vécu dans des tentes, dans le désert, en route vers la Terre sainte, guidés par Moïse.
La référence à la traversée du désert se voit par le nombre important de chandeliers qui illuminent le parvis du Temple afin que la lumière soit importante. Cette lumière fait référence à la nuée de feu qui illuminait le campement la nuit. (Nb14.14 ; Ex40.36-37).
La fête de Souccoth est aussi attachée à l’eau. Il est demandé à l’Eternel qu’il donne la pluie pour les récoltes, suffisamment d’eau pour la vie de tous les jours et la pluie de l’arrière-saison (Jl 2,23)
C’est donc dans le contexte de cette fête chargée de symboles qu’a lieu l’histoire qui a été lue.
La femme adultère, les religieux et Jésus
Alors qu’à l’occasion de cette fête, tout devrait tendre vers Dieu qui a donné, qui donne, de qui on espère, en qui on met sa confiance, voilà que les religieux tendent un piège à Jésus.
Dès le matin Jésus retourne dans le temple et enseigne ceux qui se pressent autour de lui. Soudain, il est interrompu par un groupe de scribes et de pharisiens qui amènent, sans ménagement, une femme apeurée qui a été surprise en adultère.
Les religieux rappellent la Loi de Moïse à Jésus. Ils lui demandent de se positionner par rapport à elle « toi donc, que dis-tu ? » Ici, les religieux se servent de la Loi de Moïse pour condamner la femme, certes, mais détenir le moyen de condamner Jésus à travers elle.
Pourquoi ? Parce que Les enseignements de Jésus perturbent l’institution établie. La Loi a été détournée et la fête qui rappelle la miséricorde de Dieu est dévoyée. Alors que Dieu devrait avoir la première place, des hommes se sont proclamés détenteurs de la Loi de Dieu afin de l’appliquer selon leurs jugements, leurs perspectives égoïstes. Leur pouvoir vacille avec les enseignements divins de Jésus.
La Loi ordonne de lapider … Et c’est justifié par cette Loi qu’ils jugent la femme comme seule responsable. Les religieux détournent la Loi à leur profit alors qu’ils proclament qu’elle est leur seule valeur ! L’hypocrisie des hommes religieux, sans vie, apparaît.
– Ils commencent par flatter Jésus « Maître, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider de telles femmes, toi donc, que dis-tu ? ». Ils semblent reconnaître Jésus comme « Maître » alors qu’ils rejettent avec haine son enseignement.
– Ensuite, ils mettent en avant la Loi de Moïse, mais en partie seulement. Effectivement, selon la loi du lévitique 20 :10 et du Deut 22 :22, l’homme et la femme devaient mourir. Où est l’homme ? A ce sujet, Jésus ne se prononce pas non plus. Jésus aurait pu dire « mais où est l’homme ? ». Non, rien de cela, Jésus n’est pas venu pour condamner mais pour sauver « Car le Fils de l’homme est venu sauver ce qui était perdu. » (Mt 18,11)
– Leur but inavoué est de condamner Jésus en se servant de cette femme comme « appât ». En effet, il est écrit « Ils disaient cela pour l’éprouver afin de pouvoir l’accuser » (v.6). Mais l’accuser de quoi ? La Judée est sous domination romaine et une condamnation à mort ne peut en aucun cas être décidée par le tribunal religieux, à savoir le sanhédrin.
L’exemple que nul ne peut oublier est la condamnation du Seigneur lorsque Pilate dit aux Juifs : « Prenez-le-vous-même et juger le selon votre loi. Les Juifs lui dirent, il ne nous est pas permis de mettre personne à mort » (Jn 18 :31).
– ici, Jésus ne peut en aucun cas dire de la lapider. Et si Jésus conteste la Loi de Moïse en disant de relâcher la femme, il sera discrédité devant les religieux et le peuple présent dans la cour du Temple.
Que répond Jésus ? Rien dans un premier temps, mais Il se baisse et écrit avec son doigt sur la terre. C’est plutôt étonnant d’autant que le texte ne nous dit pas ce qu’il écrit. Les pharisiens s’impatientent. Jésus se redresse et dit « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ! » Ce n’était certainement pas ce à quoi ils s’attendaient.
Jésus leur adresse les paroles du Deutéronome quand une sentence de mort est prononcée « La main des témoins sera la première sur l’accusé pour le faire mourir, et la main de tout le peuple ensuite » (Dt 17,5‑7).
De même, Jésus remet chacun face à sa condition de pécheur et leur dit en fait ‘’ vous avez le droit de la punir si, et seulement si, vous‑mêmes n’êtes pas condamnables !’’. Ici, l’histoire de la paille et de la poutre interpelle la conscience de chacun.
Et que fait Jésus après leur avoir dit cela ? Il se baisse à nouveau pour écrire sur le sol.
Le texte dit ensuite que « quand ils entendirent cela, accusés par leur conscience ils se retirèrent un à un depuis les plus âgés ’jusqu’aux derniers ». (v.9)
Ils ne sont pas accusés par la parole de Jésus, mais par leur conscience par rapport à la loi de Moïse. Comme il a été dit précédemment, Jésus n’est pas venu pour juger ou pour condamner mais pour guérir, pardonner, relever, sauver, réconcilier l’homme avec son Père. D’ailleurs Jésus a dit aux scribes aux pharisiens et aux docteurs de la loi, c’est-à-dire aux religieux « Ne pensez pas que moi je vous accuserai devant le Père; celui qui vous accuse, c’est Moïse, en qui vous avez mis votre espérance. » (Jn5 :45)
Paul va dans le même sens lorsqu’il dit : « Tous ceux qui ont péché sans la Loi périront aussi sans la Loi, et tous ceux qui ont péché avec la Loi seront jugés par la Loi. » (Rm 2,12-17)
Ici, c’est cette parole qui prend sens pour ces hommes qui accusent « tous ceux qui ont péché avec la Loi seront jugés par la Loi. » Les religieux choisissent d’être jugés par la Loi, accusés par Moïse ! Car, il faut savoir que selon la loi de Moïse, l’obéissance doit être totale. Une seule désobéissance suffit pour être disqualifié. Jésus qui est venu accomplir la Loi dit « Il ne disparaitra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre. » (Matt 5 : 18) Nul ne peut accomplir la Loi si ce n’est Jésus, l’envoyé du Père. Et comme les religieux ont le cœur endurci, ils ne peuvent comprendre que leur jugement est certain.
Dans ce récit, il y a les paroles de Jésus, mais il y a aussi l’attitude de Jésus qui est importante.
Jésus écrit sur la terre par deux fois, la première, avant de parler et la seconde, après avoir parlé.
La question s’est posée de savoir ce que Jésus avait écrit. Certains ont pensés qu’il s’agissait des péchés. Mais alors, les religieux auraient lu cela et se seraient manifestés. de plus, ce ne sont pas les écrits de Jésus qui font partir les accusateurs mais ses paroles.
Peut-être que si Jésus n’avait écrit qu’une seule fois, cela n’aurait pas vraiment retenu l’attention Mais là, deux versets – 6 et 8 – presque côte à côte, interpellent.
Il a été dit plus haut l’importance de l’eau dans la fête de Succoth. Ce n’est certes pas un hasard, si ce texte a été inséré, dans le contexte de cette fête. Dans l’Alliance mosaïque, les prophètes sont les garants de l’Alliance. Ce sont eux qui interpellent le peuple lorsqu’il se détourne de la Loi de Dieu.
La parole que dit Jésus dans Matthieu « Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi et les prophètes ; Je suis venu non pour abolir mais pour accomplir » (Matt 5 :17) donne une compréhension nouvelle de la Loi et des prophètes.
Certaines hypothèses entrevoient que le fait d’écrire sur le sol renvoie les pharisiens à une parole du prophète Jérémie « Toi qui es l’espérance d’Israël, ô Éternel! Tous ceux qui t’abandonnent seront confondus. Ceux qui se détournent de moi seront inscrits sur la terre, Car ils abandonnent la source d’eau vive, l’Éternel. » (Jr 17,13)
Est-ce les paroles du prophète que Jésus accomplit ici ? Seul Jésus peut accomplir la Loi et les prophètes. Alors, il est possible d’imaginer que Jésus a écrit sur le sol le nom de ses détracteurs.
« Le dernier jour, le grand jour de la fête, Jésus, se tenant debout, s’écria: Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive. Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein, comme dit l’Écriture. Il dit cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui; car l’Esprit n’était pas encore, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié. » (Jn 7,37-39)
Jésus proclame qu’il est la source d’eau vive et en ce temps de Succoth, l’eau prend dès lors une signification particulière au regard de la prophétie de Jérémie.
Jésus proclame aussi qu’il est la lumière du monde (Jn 8,12)
Il n’est donc pas surprenant que la tradition ait voulu placer ce texte à la fête de Souccoth. Jésus représente la source d’eau vive qui permet au peuple de vivre. C’est aussi l’eau qui accompagnait le peuple dans le désert. Jésus était le rocher qui abreuvait son peuple (1 Cor 10 :4). De plus, il est la colonne de feu qui accompagnait les hébreux dans le désert, le feu de l’Esprit qui éclaire tout homme.
Le récit que nous avons lu est inséré entre ces deux proclamations.
Jésus, l’eau vive et le feu de l’Esprit a tout pouvoir pour proclamer la grâce de Dieu.
Aussi, tous les accusateurs de la femme s’en sont allés, les uns après les autres. Jésus reste seul avec la femme. La pécheresse et le saint, la misère et la miséricorde côte à côte. Et Jésus l’interroge « femme, où sont ceux qui t’accusaient ? Personne ne t’a-t-il condamnée ? »(v.10)
Lorsque Jésus prononce le mot femme, ce n’est jamais péjoratif. C’est une forme de respect. Jésus respecte la femme pécheresse, adultère. Ce même terme est employé pour la femme Samaritaine, et envers sa mère aux noces de Cana et à la Croix.
Regardée jusque-là avec mépris, un regard nouveau se pose sur la femme et l’ouvre à l’espérance.
Traitée comme un objet de peu de valeur, Jésus lui redonne sa dignité.
A la question de Jésus, elle répond « Non, Seigneur » et Jésus de lui répondre « Moi non plus je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »
Un regard nouveau s’est posé sur elle.
Le regard, la grâce, l’amour et la bonté de Jésus, accompagneront cette femme chaque jour de sa vie. Elle devra renoncer à son péché et se rappeler les dernières paroles de Jésus « va, et désormais ne pèche plus. » Oui, Jésus est venu « pour sauver ce qui était perdu. »
À chaque fois qu’elle sera tentée de renier cette grâce, elle revivra cet instant de la rencontre dans le Temple, elle revivra les cris, les brutalités, la haine de tous ces gens prêts à la tuer pour se donner bonne conscience.
Elle se remémorera Jésus, calme et aimant, écrivant sur le sol. Elle l’entendra lui dire de nouveau ce nom auquel elle croyait n’avoir plus droit, le nom de sa dignité « Femme, va ; et désormais ne pèche plus ».
Jésus l’appelle à vivre la liberté des enfants de Dieu. Cela n’est pas sans rappeler les paroles de Jésus adressées aux malades physiquement.
La femme adultère était malade spirituellement et avait besoin de la guérison intérieure que Jésus seul peut donner. Jésus l’a délivrée. Qu’elle prenne garde de ne pas retomber.
Et pour nous aujourd’hui ?
Est-ce que nos péchés sont un frein pour Dieu ? La grâce de Dieu est-elle inatteignable pour le pécheur ? Dieu dit « Les sacrifices qui sont agréables à Dieu, c’est un esprit brisé : O Dieu ! tu ne dédaignes pas un cœur brisé et contrit. » (Ps 51,17) Jésus voit en nous, beaucoup moins ce que nous sommes, que ce que nous pouvons devenir.
Nous sentons-nous encore loin de Lui ? Peut‑être est-ce parce que nous n’avons pas encore perçu à quel point il nous aime.
Craignons-nous de nous approcher de Lui ? Peut-être est-ce parce que nous n’avons pas suffisamment regardé à la Croix.
Sommes-nous paralysés par notre misère ? Peut-être est-ce parce que nous ne croyons pas encore à sa miséricorde.
Parfois, il n’est nul besoin d’être condamné par autrui, nous le faisons très bien nous-mêmes. Mais Dieu nous dit « Là où le péché abonde, la grâce surabonde. » (Rm 5,20) Alors, lorsque de tels moments viennent ôter la paix dans nos vies, rappelons-nous de ce que Jésus dit, alors qu’il se relève, et nous regarde avec cet amour infini qui le caractérise « je ne te condamne pas, va, et ne pèche plus. ».
A Dieu seule soit toute la gloire.
Amen.